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Et si nous arrêtions de penser aux choses sans importance, — ou qui ne servent à rien, — peut-être nous porterions-nous mieux…

 

Illustration en 3D de l'ADN. "Pour bien mémoriser quelque chose, il faut casser son ADN, sidérant", explique Hervé Poirier. (JOSH HAWLEY / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Publié le 6 avril 2024

 

Hervé Poirier, rédacteur en chef au magazine scientifique Epsiloon, nous parle d’une découverte tout à fait étonnante... Un processus neuro-génétique vertigineux.

 

Hervé Poirier : L’expérience a été menée par des biologistes américains sur des souris, qui ont été entraînées à associer un lieu bien particulier à un petit choc électrique, de sorte que lorsqu’elles sont plus tard réintroduites dans ce lieu, elles s’en souviennent et ont peur. Eh bien c’est très étonnant, oui. 

L’analyse de l’hippocampe de ces souris, la zone clé de leur mémoire, démontre que lors de cet apprentissage un peu désagréable, le double brin d’ADN caché au cœur des neurones impliqués, se brise en de multiples morceaux. Face à tous ces bouts d'ADN qui se promènent, les neurones s'activent et une réponse inflammatoire se déclenche pour tout réparer.  La scène se répète durant l’apprentissage. 

Et ce cycle de dommages et de réparation génétique permet au souvenir de se former, et de durer. Et ce serait la manière même, dont l'ADN se casse, qui coderait l'information à mémoriser, avancent les chercheurs... Bref, pour bien mémoriser quelque chose, il faut casser son ADN ! Sidérant. 

Mais c’est quand même un peu dangereux de casser son ADN, non ? 

Hervé Poirier : Oui, et en général, ce n’est pas conseillé. Cela ouvre la porte aux cancers et aux maladies neurodégénératives, comme Parkinson ou Alzheimer. C’est Elsa Suberbielle, une jeune neurobiologiste française du CNRS, qui, il y a 10 ans, a été la première à penser que le neurone casse ainsi son ADN, pour accélérer son activité. Elle nous a confié qu’à l’époque, peu de collègues étaient prêts à accepter l’idée. 

10 ans après, cela fait consensus : au moindre mot qui vient à l’esprit, à la moindre image, crac, l’ADN de nos neurones se brise. Ce qui facilite et accélère le tissage des synapses entre les neurones : le mot, l’image, la pensée, s’impriment dans le cerveau. Et ce principe vient donc d’être aujourd’hui aussi démontré pour la mémoire à long terme.  

 

Une piste pour comprendre les maladies neurodégénératives ? 

Hervé Poirier : Sûrement. Au cours de notre vie, les neurones sont capables de briser leur ADN des millions de fois, mais on peut imaginer que les mécanismes de réparation sont de moins en moins infaillibles avec le temps. Et les erreurs génétiques s’accumulent. 

Mais on ne peut qu’être admiratifs devant l’incroyable machinerie abritée sous nos crânes : lors de l’écoute de ce billet, dans le noyau de vos neurones, votre ADN s’est brisé, puis réparé. Vous permettant de réaliser l’ampleur de cette déroutante découverte.